jeudi 13 août 2009

1

Apocraphon and Apollyon
Abaddon
All abandoned
Then I saw in myself the bowl and a gun
And the glory that was to come
- Current 93


Lute se réveilla en sueur. Il jeta un œil à l'heure digitale la plus proche de son champ de vision. Ses yeux ne voulaient pas accommoder : trop fatigués, trop loin. Il se pencha laborieusement le plus possible sans tomber de son lit, quitte à se tenir sur ses mains posées au sol, et aperçut un chiffre qui pourrait soit être 3, soit 9. Considérant son état de fatigue, il opta pour 3 et décida de se rendormir.

Réveil à nouveau. Cette fois, peu lui importait l'heure : son corps ne manifestait aucune fatigue et donc lui affirmait qu'il avait assez dormi. Lute se leva, et resta vaguement assis quelques minutes dans le noir à contempler le néant. Soudain, il soupira. Longuement. Puis tâtonna quelque peu sa table basse et prit en main son téléphone qui était posé là. Il regarda vaguement l'écran. Le téléphone sonna : appel en cours, numéro inconnu. Lute attendit la fin de la sixième mesure de cette suite de Bach qu'il adorait par dessus tout, puis porta le combiné à son oreille et appuya sur un bouton, coupant à son grand désespoir sa sonnerie.

-Monsieur Lute ?
-Oui.
-Il est temps.
-Certainement.

Lute raccrocha, puis enfila les premiers sous-vêtements qu'il vit, une paire de jeans noirs et un t-shirt. Il mit son téléphone dans sa poche, et sauta dans ses chaussures, sans faire ses lacets qui de toute façon auraient profité de la première occasion pour se défaire, et sortit de chez lui. Il hésita l'espace d'une seconde entre l'ascenseur et les escaliers, mais fit comme d'habitude. Arrivé au rez-de-chaussée, il passa devant sa boîte aux lettres, mais ne l'ouvrit pas. C'était inutile.

Scratch. Le tonnerre tonna, la pluie tomba. Une pluie diluvienne, et acide, qui le trempa jusqu'aux os pendant les quelques secondes qu'il mit à rejoindre le coin de sa rue. Il renifla, et secoua ses cheveux en bataille pour en évacuer un peu l'eau. Une voiture d'un blanc des plus éclatants et parfaitement propre arriva du coin de la rue adjacente, jusque devant ses yeux. Il jurait de ne pas l'avoir vu venir.

Clic. La condamnation centralisée venait de lui sourire et de lui permettre d'entrer.

Il prit en main la poignée de la porte arrière, sourit l'espace d'un instant, leva les yeux au ciel, apprécia un dernier instant la pluie sur son visage, les nuages, le grondement du ciel, l'air frais, la Terre. Il ouvrit la porte.

Il ne savait absolument pas à qui appartenait cette voiture. Il ne savait absolument pas pourquoi elle était là. Il ne savait absolument pas qui l'avait appelé.

Mais il savait qu'il devait ouvrir cette porte.

It's not dark yet, but it's getting there

I've been down on the bottom of a world full of lies
I ain't looking for nothing in anyone's eyes
Sometimes my burden seems more than I can bear
It's not dark yet, but it's getting there

I was born here and I'll die here against my will
I know it looks like I'm moving, but I'm standing still
Every nerve in my body is so vacant and numb
I can't even remember what it was I came here to get away from
Don't even hear a murmur of a prayer
It's not dark yet, but it's getting there.
Bob Dylan